Monday, March 2, 2009

REGARDS CROISES SUR LE DEBUT ET LA FIN DES OPERATIONS MILITAIRES RDC-RWANDA ET LEURS CONSEQUENCES SUR LA REALPOLITIK CONGOLAISE

Par: Prof. Dr. Yav Katshung Joseph



I. LIMINAIRES : MIEUX VAUT LA FIN D'UNE CHOSE QUE SON COMMENCEMENT ?



Ce titre évocateur semble mieux résumer les malaises soulevés par les opérations militaires Rwando-Congolaise visant à neutraliser les rebelles Hutu Rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) dénommée « Umoja Wetu »[1] dans le Nord-Kivu, d’une part et Soudano-Ugando-Congolaise dénommée « Coup de tonnerre » qui vise les rebelles ougandais de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) dans la Province orientale, de l’autre.



Aprés mille et une polémiques sur ces opérations, voilà que les soldats rwandais -bon gré mal gré- se sont retirés de la RDC comme l’annonçait le Président Joseph Kabila en fin janvier 2009, lors d’un point de presse tenue à Kinshasa. Une cérémonie « d’adieu » fut même organisée pour marquer ce retrait, avec « parade militaire conjointe », le mercredi 25 février 2009 à Goma. Bien qu’un flou demeure sur le nombre exact de ceux qui sont partis faute de savoir combien ils étaient entrés. Ça c’est un autre débat ! Mais, l’on pourrait ne fut-ce que se poser les questions de savoir : A quand remonte la cérémonie de « Welcome » ou de bienvenu pour enfin faire des adieux ? Bien plus, connaissant la géopolitique de la région des Grands lacs Africains, pouvons-nous sans contradiction affirmer que ce n’est qu’un au revoir?



Sans essayer de supputer sur ces questions, la présente réflexion entend contribuer au débat en passant au peigne fin quelques réactions et/ou arguments de certains opérateurs politiques afin que l’Etat de droit et démocratique ainsi que la culture du rendre compte triomphent en RDC. Il est certes vrai que beaucoup d’encre et salive ont coulé et continuent de couler. Mais, toutes les opinions se valent-elles ? Si toutes se valent, tout est donc dit, reste à s’en remettre au hasard pour faire son propre tri au milieu de la cacophonie.



Mais si certaines sont supérieures à d’autres, encore faut-il en juger selon les vrais critères de discernement : intelligence, compétence, recul, conformité au réel... Telles sont les clés d’un débat d’idées vigoureux et fructueux. À méditer et à appliquer sans modération... C’est en cela que la présente réflexion vaut son pesant d’or : contribuer à la culture de redevabilité et du contrôle démocratique du secteur de la sécurité et de la défense en RDC, longtemps considérés comme tabous. L'affaire n'est ni tabou ni relevant du secret-défense car en démocratie, les parlementaires ont un mot à dire sur ces questions et il semble qu’ils ont essayé de le faire comme nous le verrons au point suivant.



II. LA PETITION DES DEPUTES NATIONAUX : UN « TSUNAMI » POLITIQUE EN RDC?



2.1. LE DROIT DE PETITION EN QUESTION



Longtemps perçu comme un aspect de la liberté d’expression, le droit de pétition est resté absent dans l’espace constitutionnel congolais.[2] Il est constitutionnalisé avec l’avènement du vent démocratique des années 90. Il évolue actuellement comme un droit autonome, indépendamment de la liberté d’expression auquel il est originairement lié. Il s’agit d’un droit exclusif des citoyens congolais, qui peut s’exercer soit individuellement, soit collectivement. Bien plus, ce droit est aussi garanti aux parlementaires et sénateurs afin de convoquer les sessions de leurs chambres respectives.



2.2. L’EXERCICE DU DROIT DE PETITION PAR CERTAINS DEPUTES NATIONAUX OU LA GOUTTE D’EAU QUI FERA DEVERSER LE VASE ?



Comme annoncé supra, le droit de pétition est aussi garanti aux parlementaires et sénateurs pour faire convoquer les sessions extraordinaires à la demande de la moitié des membres qui composent l’Assemblée ou le Sénat. C’est fort de ce droit et ce, en conformité avec le règlement intérieur de l’Assemblée nationale[3], que plus de 260 députés nationaux – de la majorité et de l’opposition - ont signé la pétition, initiée aux lendemains de l’entrée des troupes rwandaises en RDC[4], alors que le Règlement Intérieur en exige la moitié plus une voix, c’est-à-dire 250+1.



En effet, les députés pétitionnaires reprochent au gouvernement d’avoir violé les articles 143 et 213 de la Constitution qui disposent respectivement que: «Conformément aux dispositions de l’article 86 de la Constitution, le Président de la République déclare la guerre sur décision du Conseil des ministres après avis du Conseil supérieur de la défense et autorisation des deux Chambres. Il en informe la Nation par un message. Les droits et devoirs des citoyens, pendant la guerre ou en cas d’invasion ou d’attaque du territoire national par des forces de l’extérieur font l’objet d’une loi ». Et « Le Président de la République négocie et ratifie les traités et accords internationaux. Le Gouvernement conclut les accords internationaux non soumis à ratification après délibération en Conseil des ministres. Il en informe l’Assemblée nationale et le Sénat ».



Selon les députés pétitionnaires, ces dispositions constitutionnelles n’ont pas été respectées. Il n’y a pas eu Conseil des ministres sur l’entrée des troupes rwandaises. Si le caractère invasion pourrait être écarté, les pétitionnaires soutiennent que ce cas relève de la souveraineté et de l’intégrité territoriale d’un Etat souverain. Le Parlement étant en vacances, les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat devraient être préalablement saisis. Or, au regard des déclarations contradictoires des présidents de deux chambres, il semble qu’ils n’ont été informés qu’après-coup. D’où pareille pétition pour amener le Gouvernement à fournir des explications sur les accords ayant permis aux armées de l'Ouganda et du Rwanda de pénétrer en RDC et d'y mener des activités belliqueuses.



2.3. QUAND LE SENAT ENTRE DANS LA DANSE ET EMBOITE LE PAS DES DEPUTES PETITIONNAIRES !



Comme si cela ne suffisait pas, il nous revient qu’au Sénat, devant la gravité des faits susceptibles de compromettre la souveraineté du pays et pour fustiger la manière quelque peu cavalière de la passation des accords entre la RDC et l’Ouganda, d’une part et de l’autre, entre la RDC et le Rwanda, trois Sénateurs dont LUNDA-BULULU, MOKONDA BONZA et BALAMAGE N'KOLO ont sur pied des articles 116 de la Constitution et 75 du Règlement intérieur du Sénat, pris l'initiative de rédiger une pétition et de la proposer à leurs collègues en vue de la convocation immédiate d'une session extraordinaire de la Chambre Haute aux fins d'entendre le Premier ministre entre autres sur les accords susvisés. Ainsi, une trentaine des sénateurs ont déjà signé ladite pétition appuyant ainsi la démarche entreprise à l'Assemblée nationale et qui fait depuis quelques semaines mouche, frisant une certaine crise institutionnelle quelque peu comparable à l’époque de Kasavubu et Lumumba.

Mais, relevons que cela ne laisse pas indifférents certains opérateurs politiques en provinces qui estiment que les pétitionnaires n’ont pas le droit ou ont outrepassé.



III. QUAND LE « KATANGA POLITIQUE » S’INVITE DANS LA SAGA, RATE-T-IL UNE BELLE OCCASION DE SE TAIRE ?



3.1. DE LA PETITION OU MIEUX DE LA CONTRE-PETITION DE L’ASSEMBLEE PROVINCIALE DU KATANGA



Comme nous l’avions déjà relevé dans notre ouvrage intitulé « Le Parlement Provincial Pour Quoi Faire ? », l’Assemblée provinciale du Katanga n’est pas loin de cesser d’être une caisse de résonance de l’Exécutif –national et/ou provincial.[5] Les propos, agissements, déclarations et positions de la plupart des Députés provinciaux du Katanga, posent problème et laissent craindre qu’ils travaillent pour donner de quoi moudre au moulin à paroles mais, pas pour des actes concrets, des mesures qui changent la vie des citoyens. Si c’est pour que l’Assemblée qui vote la loi et consente l’impôt se contente uniquement d’applaudir le gouvernement (provincial et/ou national) et reléguant ses fonctions au dernier plan, nous sommes en pleine décadence de la part des honorables députés.



En effet, l’impuissance du Parlement provincial du Katanga est presque devenue un fléau dénoncé par la majorité de la population. Les parlementaires –surtout ceux de la majorité- semblent ne servir plus à rien. Sinon à pointer pour les émoluments et à voter comme un seul homme. Une autre cause et pas des moindres, c’est le respect aux allures « monarchiques » des politiciens congolais envers les animateurs de l’exécutif tant au niveau national que provincial, qui fait que personne – surtout dans le camp de la majorité- n’ose réfléchir, penser, opiner, contester, de peur de se faire éjecter du système.



Pendant que les députés nationaux ont lancé une pétition pour convoquer une session extraordinaire du Parlement, 98 députés provinciaux sur les 102 que compte l’Assemblée provinciale du Katanga ont signé une pétition [une sorte de contre-pétition] contre ceux des députés nationaux -plus de 260- qui réclament la convocation d'une session extraordinaire susmentionnée. Il nous revient que c'est une pétition qui exprime clairement la volonté de députés [provinciaux du Katanga] de porter à la connaissance de l'opinion tant nationale qu'internationale que l'Assemblée provinciale du Katanga est totalement rangée derrière le Président Joseph Kabila. Elle est aussi une mise en garde lancée aux « manœuvriers de Kinshasa avec leur pétition ». Tout observateur moyen pourrait -bon gré mal gré- s’interroger : Pareille pétition, pour quoi faire ?



3.2. KATANGA : GARD PAR QUI LE MALHEUR VA ARRIVER ET PETITION SUR PETITION NE VAUT ?



Des boulées rouges furent lancées à l’endroit de ceux qui ont signé la pétition au niveau national en des termes tels que : « ceux qui s'opposent à la présence des troupes rwandaises sont « des sorciers ! » «… Si l’Assemblée nationale tient à la balkanisation de ce pays … ; le Katanga prendra toutes ses responsabilités historiques et, l’Assemblée nationale en subira toutes les conséquences…Cette pétition exprime clairement que l’assemblée provinciale du Katanga est totalement rangée derrière Joseph Kabila. », etc.



Des menaces à peine voilées étaient au rendez-vous car, il a été intimé aux députés nationaux du Katanga qui auraient signé la pétition de retirer leurs signatures dans les 48 heures, sinon il leur sera interdit de séjourner au Katanga. [N’est-ce pas un acte de rébellion ?] Ce qui poussera un opérateur politique du Katanga bien sûr de l’opposition à qualifier l'Assemblée provinciale de « honte pour le Katanga…où les sentiments priment sur la raison…c'est le Katanganisme… »[6]



Il est malaisé de rappeler aux faiseurs d’édits -des lois- que la Constitution prévoit la convocation d'une assemblée extraordinaire de l'Assemblée nationale lorsque la majorité absolue des signatures de députés est obtenue. Ainsi, aucune autre institution, soit-elle l’assemblée provinciale, ne peut s’immiscer dans cette procédure ni essayer de l’arrêter comme cela semble être le cas avec les dernières ‘élucubrations’ au Katanga. C’est avec raison que l'initiateur de la pétition réclamant la session extraordinaire de l'Assemblée nationale, le député national JEAN-LOUIS ERNEST KYAVIRO, rapporte la Radio Okapi, estime de son côté que l'assemblée provinciale du Katanga n'a aucune prérogative constitutionnelle d'interdire la démarche de la chambre basse à Kinshasa. « Ce n'est pas une assemblée provinciale qui peut demander ou refuser une session extraordinaire de l'Assemblée nationale. Chacun a ses compétences et son champ d'action bien précis ».[7] C’est donc un coup d’épée dans l’eau ! Avec raison un étudiant en droit pourrait conclure : pétition sur pétition ne vaut !



Comme le ridicule ne tue pas, le peuple congolais – particulièrement celui du Katanga- a suivi en date du 24 février 2009, les réactions des députés nationaux et sénateurs Katangais en vacances parlementaires à Lubumbashi. En effet, alors que certains parmi eux ont même signé les pétitions à l’Assemblée nationale et au Sénat, à l’issue d’une réunion tenue au gouvernorat du Katanga, ces députés nationaux et sénateurs exprimeront de vive voix leur désaccord aux pétitions initiées à Kinshasa en se désolidarisant de leurs pairs. Aprés les propos du député national Mr VANO KIBOKO en sa qualité de président du groupe parlementaire du Katanga et celui de Mr LUHONGE KABINDA, président du groupe des Sénateurs du Katanga, ces élus et/ou cooptés du peuple ont collectivement dénoncé la pétition initiée à l’Assemblée nationale par quelques députés nationaux, pour débattre de la question de la présence des troupes rwandaises sur le sol congolais, qu’ils qualifient de cabale destinée à déstabiliser le pouvoir en place. Ils arguent en définitive que le gouvernement congolais et le chef de l’Etat avaient tout à fait raison de pouvoir initier ces contacts pour créer la paix dans l’Est du pays.

Fort de ce qui précède, il est donc opportun pour notre part d’essayer d’analyser à froid, la démarche des députés pétitionnaires et ses contours tout en confrontant certains argumentaires avancés quant à ce.



IV. LES PETITIONNAIRES ONT-ILS RAISON OU TORT ? QUELLES LECONS TIREES ?



Depuis l’entrée des troupes rwandaises sur le territoire de la RDC, jusqu'à leur départ il y a quelques jours, la polémique comme nous l’avons relevé supra, demeure au rendez-vous. Des avis contraires sont avancés dans un sens comme dans un autre. D’aucuns estiment même que ladite pétition est sans objet au regard de l’évolution de la situation sur terrain du fait du succès récolté par l’opération militaire conjointe Rwando-Congolaise ainsi que la non présence –actuellement- en RDC des troupes Rwandaises. Ainsi, d’ici l’ouverture de la Session ordinaire de mars 2009, plus aucun élément régulier rwandais voire ougandais ou sud-soudanais ne se trouvera sur le sol congolais. Même si par improbable, la session extraordinaire venait à être convoquée avant le 15 mars 2009, l'on s’interroge aujourd'hui sur l'opportunité dont elle pourra avoir au regard des grandes évolutions du dossier qui a fondé l'action des pétitionnaires.




Bien d’arguments sont évoqués de tout bord afin d’appuyer ou renverser le bien fondé de ladite pétition. Sans essayer de tout embrasser, nous allons essayer de relever ceux du Professeur NYABIRUNGU MWENE SONGA, de surcroît député national élu de Rutshuru afin de prendre position par la suite.



4.1. POSITION DU PROFESSEUR NYABIRUNGU QUANT AU FONDEMENT DE LA PETITION ET DE LA QUALITE DES PETITIONNAIRES



En effet, le professeur NYABIRUNGU dans sa réflexion intitulée « La Coalition Militaire Rwando-Congolaise ou le Temps du Courage » du 11 février 2009, reconnaît dans l’introduction que l’Accord du 05 décembre 2008 et sa mise en œuvre, le 20 janvier 2009, par l’entrée des troupes rwandaises en RDC dans le cadre d’une coalition militaire contre les FDLR et le CNDP-NKUNDA, ont mis sens dessus dessous la scène politique congolaise, provoquant l’enthousiasme des uns et la colère des autres, se trouvant parmi ceux-ci les députés pétitionnaires qui réclament la tenue d’une session extraordinaire pour débattre de la question. » Il renchérit en arguant « qu’en interrogeant l’histoire récente, en examinant les raisons des uns et des autres, et en étant à l’écoute des attentes de notre peuple, il y a lieu de comprendre et, en même temps, de relativiser les enthousiasmes et les colères en cours, et de donner raison au Chef de l’Etat Joseph Kabila qui, a son corps défendant et en prenant des risques politiques majeurs, aura tout essayé non dans un intérêt personnel ou partisan, mais pour sauver le Congo et l’engager dans la seule voie qui vaille, celle du développement du pays et du bonheur de son peuple. »[8]



Face à cette plaidoirie, l’on pourrait ainsi demander si pareille paix est durable et qu’elles en étaient les garanties si les causes profondes et réelles de l’instabilité ou des conflits ne sont pas réglées –adressées- ? Une paix de façade ? Pierre Corneille dans « Le Cid » ne nous enseigne-t-il pas qu’ à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ?

Poursuivant sa réflexion, le professeur NYABIRUNGU évoque le fait que pour la qualité de relation entre la RDC et le Rwanda, les animateurs des Institutions démocratiquement élues doivent mettre la main à la patte, en tête desquels le Chef de l’Etat, le Président de l’Assemblée Nationale, le Président du Sénat, le Premier Ministre, les Députés et les Sénateurs. C’est cela la responsabilité des gouvernants. Nous répliquons en disant, qu’ils doivent donc être consultés et/ou informés afin qu’ils jouent pleinement leur rôle. Ce qui semble ne pas être le cas dans l’affaire a quo.

Il s’attarde sur les prérogatives du Président de la République en relevant qu’il a un rôle insigne à jouer pour faire de la RDC un pays puissant et prospère, vivant en paix a l’intérieur de ses frontières et concourant a l’extérieur au maintien ou au rétablissement de la paix chez nos voisins, en Afrique et dans le monde. Il a de par la Constitution, la charge de représenter la Nation et est le symbole de l’unité nationale. Cette unité nationale est impossible si une guerre d’occupation, de conquête ou de pillage s’installe à nos frontières. Pour cela il fait usage de l’article 69, 3 de la Constitution qui dispose que le Président de la République « assure , par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traites et accords internationaux ». Ainsi, il est clair et évident, dit-il, que la Constitution a fait du Président la clé de voûte des institutions nationales et que conscient de son rôle, il sait que sans la paix, il perd à la fois l’effectivité de ses attributions et la maîtrise de son action.

Quant au Sénat et à l’Assemblée nationale, faire de bonnes lois et en contrôler l’exécution, autoriser la ratification des traites utiles et intérioriser la paix et le bonheur de notre peuple comme la finalité de toute action politique et la loi suprême dans l’Etat, sont autant des conditions de la réussite de son mandat. Lorsque des députés pétitionnaires reprochent au Président Kabila ou au Gouvernement d’avoir violé la Constitution, spécialement en ses articles 143 et 213 , cela ne va pas de soi et peut même susciter des interrogations.

L’article 143 est ainsi libellé «Conformément aux dispositions de l’article 86 de la Constitution, le Président de la République déclare la guerre sur décision du Conseil des ministres après avis du Conseil supérieur de la défense et autorisation des deux Chambres. Il en informe la Nation par un message. Les droits et devoirs des citoyens, pendant la guerre ou en cas d’invasion ou d’attaque du territoire national par des forces de l’extérieur font l’objet d’une loi ».
Il souligne qu’ à lecture de l’article 143, il est clair qu’il vise l’hypothèse d’une guerre déclarée, et que rien de tel n’existe entre la RDC et le Rwanda. Donc, c’est en vain qu’une telle disposition.

Bien plus, l’article 213 dispose :

« Le Président de la République négocie et ratifie les traités et accords internationaux. Le Gouvernement conclut les accords internationaux non soumis à ratification après délibération en Conseil des ministres. Il en informe l’Assemblée nationale et le Sénat ».
Il en déduit que les députés ne peuvent invoquer cet article en relevant que le Conseil des Ministres ne s’est pas réuni, car n’en faisant pas partie, ils ne peuvent pas en revendiquer les prérogatives. En d’autres termes, ils n’ont pas qualité pour se plaindre à la place du Conseil des Ministres. D’ailleurs, le Conseil de Ministres ne se serait-il pas réuni que les Députés n’auraient toujours pas la qualité pour s’en plaindre, étant donné qu’ils sont ni destinataires ni ampliataires (sic) des délibérations du Conseil des Ministres. [C’est nous qui soulignons]

Par contre, renchérit-il, s’il est vrai que la Constitution impose au Gouvernement d’informer l’Assemblée Nationale et le Sénat des accords internationaux conclu et non soumis a ratification, elle n’impose aucun délai.

Il poursuit en pensant que nous devons accéder à l’esprit de la Constitution dont la finalité, loin de résider dans quelques lignes sujettes à interprétation variable, consiste dans la sauvegarde de la vie de la Nation et des intérêts essentiels. Enfin, il est important d’avoir présents à l’esprit deux principes inhérents à la démocratie et à l’Etat de droit : - Nul n’est juge en sa propre cause ; et – On ne peut être à la fois juge et partie.

La Session extraordinaire de l’Assemblée Nationale réclamée peut être utile au débat, mais ne peut trancher un litige entre deux institutions. C’est parce que le constituant était conscient de ces principes et des conflits possibles entre institutions qu’il a crée la Cour constitutionnelle pour régler pareil différend.

Lorsque la Nation est en danger, les responsables que sont les Députés nationaux, ont l’obligation morale et le devoir civique de respecter la Constitution et de prendre en elle ce qu’il y a de meilleur pour trouver des solutions les plus appropriées et les plus compatibles avec les exigences de la paix et de la tranquillité publique, au lieu d’engager un bras de fer avec d’autres institutions, d’agiter l’opinion publique et de conduire le peuple vers l’impasse, la crise institutionnelle ou des voies faites d’incertitude pour l’avenir.[9]



4.2. NOTRE CONTRIBUTION AU DEBAT ET REACTIONS AUX ARGUMENTS DE L’HONORABLE PROFESSEUR NYABIRUNGU MWENE SONGA

D’entrée de jeu, il sied de mettre en exergue le fait que la notion de sécurité a profondément évolué depuis la fin des années 1980. La sécurité ne peut plus être uniquement envisagée sous l’angle national. On constate, en effet, que de nombreuses crises internes résultent plus ou moins directement d’un conflit éprouvant un pays frontalier ou bien sont alimentées par des éléments nationaux ou étrangers séjournant dans des pays tiers. Les Etats sont contraints désormais d’assurer la sécurité publique par des politiques interdépendantes, ce qui implique des échanges d’informations systématisés et des procédures à mettre en œuvre en commun.

L’obligation d’assurer la sécurité des populations est le défi majeur posé aux Etats. Leur stabilité dépend de leur capacité à assurer la sécurité des biens et des personnes. Cette sécurité est non seulement physique mais également juridique, judiciaire et économique. La sécurité, enjeu de pouvoir et de survie, peut être considérée, à ce titre, comme un bien public mondial. C’est pour cela que nous affirmons que la restauration ou le maintien de la paix et de la sécurité en RDC, passe par le respect des principes démocratiques que sont l’équilibre des pouvoirs, des mécanismes efficaces et transparents de contrôle des forces de l’ordre et le maintien du lien armée-nation.



A. Dans un Etat de droit et démocratique, le domaine sécuritaire est celui de collaboration : Argument tiré de l’exposé des motifs de la Constitution.



Comme nous l’avons relevé supra, le Professeur NYABIRUNGU dans son argumentaire fait usage de l’article 69, 3 de la Constitution qui dispose que le Président de la République « assure , par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traites et accords internationaux ».

Pour lui, il est ainsi clair et évident, que la Constitution a fait du Président la clé de voûte des institutions nationales et que conscient de son rôle, il sait que sans la paix, il perd à la fois l’effectivité de ses attributions et la maîtrise de son action. Mais ce que le Professeur semble oublier, c’est le fait que la RDC se veut un Etat de droit et démocratique. Ce qui sous tend le fait que la collaboration entre institutions doit être de mise. Du reste, cela transpire de la Constitution de la RDC à laquelle il fait allusion. Tenez ! Bien que l’article 69,3 auquel le Professeur NYABIRUNGU fait recours reconnaît que le Président de la République est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traites et accords internationaux. L’exposé des motifs de la Constitution de la RDC est clair quant à ce en reprenant le même esprit de cette disposition tout en l’explicitant en ces termes : « Le Président de la République exerce ses prérogatives de garant de la Constitution, de l'indépendance nationale, de l'intégrité territoriale, de la souveraineté nationale, du respect des accords et traités internationaux ainsi que celles de régulateur et d'arbitre du fonctionnement normal des Institutions de la République avec l'implication du Gouvernement sous le contrôle du Parlement. »

Ainsi, point n’est besoin de démontrer que toute constitution comporte plusieurs parties dont l’exposé des motifs, qui est une partie d'un texte de loi qui explique ses raisons et ses objectifs. Il précède le préambule, le dispositif ou le corps du texte. Il est connu de tout juriste moyen que l'exposé des motifs est "indissociable" du texte constitutionnel.

Bien plus, le même exposé des motifs renchérit et tranche la polémique en affirmant que les affaires étrangères, la défense et la sécurité, autrefois domaines réservés du Chef de l'Etat, sont devenues des domaines de collaboration. [Notion très importante pour notre cas].

Il en résulte donc que c’est à tort que l’on cherche à ne pas reconnaître de la qualité des députés pétitionnaires à se plaindre car, pour une matière si importante touchant à la sécurité, à l’indépendance et à la souveraineté du pays, qu’ils ne soient pas informés afin d’exercer leur prérogative, du reste reconnue par la Constitution comme indiquée. Le Parlement demeure plus que tout autre le lieu de l’expression de la démocratie, de la négociation de la norme, et du contrôle du Gouvernement.



B. Le contrôle parlementaire du secteur de la sécurité procède d'un vrai exercice de la démocratie et du respect des droits humains.



La sécurité est primordiale pour le bien-être du peuple. Aussi faut-il impérativement que les opinions du peuple se reflètent dans la politique de sécurité nationale, où sont énoncées les valeurs fondamentales et les principes relatifs à la sécurité nationale que l'Etat entend promouvoir et protéger. Il est nécessaire qu'au sein des parlements, les représentants de la volonté populaire travaillent en collaboration étroite avec le gouvernement et le secteur de la sécurité. Mais si tous ont un objectif commun, leurs rôles et leurs devoirs sont fondamentalement différents. D’où une nécessité de confiance et de dialogue entre institutions, d’autant plus que la sécurité n’est plus un domaine privilégié, il est devenu de collaboration.

Les parlementaires sont donc en principe en mesure d'exercer leur contrôle sur l'armée ou sur les questions sécuritaires. L'affaire n'est ni tabou ni relevant du secret-défense. En démocratie, le Parlement est chargé de définir le cadre légal, d'adopter le budget et de contrôler les activités du secteur de la sécurité. Il ne peut exercer pleinement ces responsabilités que s'il a un large accès à l'information et à l'expertise technique nécessaire et qu'il a le pouvoir et la volonté d'exiger du Gouvernement qu'il lui rende compte de son action. Cela suppose une organisation sociale qui repose sur la confiance et le dialogue. De nos jours, le rôle joué par ceux à qui il incombe d’assurer la sécurité est en pleine mutation. Il est donc salutaire que nos parlementaires aient déjà commencé à jouer leur rôle.



Bien plus, le Parlement donne à voir la Nation souveraine, assure sa « mise en chair » concrète si l’on peut dire, il justifie son existence essentiellement par les deux attributions fondamentales qui fondent sa compétence : adopter la loi des hommes, et contrôler l’Administration chargée de l’appliquer. Cette double justification répond à la théorie de la séparation des pouvoirs de MONTESQUIEU. En ce qui concerne son rôle d’organe délibérant, relisant MONTESQUIEU à la lumière des analyses de C. EISENMANN[10], il apparaît bien que la théorie de la séparation des pouvoirs ne prône pas une séparation stricte des fonctions mais conduit au contraire les différents organes étatiques à collaborer pour accomplir les trois missions du pouvoir : adopter les lois, les exécuter et juger de leur bonne application. Ainsi, c’est donc dans le souci de collaboration que les députés nationaux ont signé la pétition exigeant la convocation d'une session extraordinaire de l'Assemblée nationale. Ainsi, les députés pétitionnaires cherchent à « voir clair » dans les opérations conjointes de traque des FDLR au Nord Kivu et se plaignent de la non information de la population et, particulièrement, de la représentation nationale, sur ces opérations.



Mettant en apostrophe le droit à l’information, disons qu’il appartient aux droits de l'homme qui protègent la condition humaine et son développement. Cependant, les droits de l'homme qui protègent nos vies doivent être protégés par la démocratie d'un pays. S'il n'y a pas de démocratie pour tous les membres de la société [ne] peuvent [pas] participer aux processus d'une décision, et c'est la raison pour laquelle ils auront besoin de droit à l'information. Le problème du droit à l'information ne peut pas être pleinement résolu s'il n'y a pas une véritable démocratie dans le pays.



De tout ce qui précède, il appert opportun de soutenir donc que le respect des principes de démocratie et l’Etat de droit, est le fondement de la pétition des députés nationaux [et sénateurs]. Le but premier n’étant pas de faire tomber le Gouvernement, mais que ce dernier rende compte. Cela ne doit gêner personne quand bien même, les effets sont semblables à ceux du Tsunami, de triste mémoire. À la seule différence que cette fois-ci, ils sont politiques.



V. QUE CONCLURE ALORS QUE LE DEBAT DEMEURE TOUT ENTIER ?



Les questions du fondement et de l’opportunité de la pétition initiée par les députés nationaux [suivis par les Sénateurs], n’en déplaise aux opérateurs politiques « bénis oui - oui », trouvent leur siège dans la Constitution de la RDC qui sans froid aux yeux, affirme et tranche dans son exposé des motifs que « Le Président de la République exerce ses prérogatives de garant de la Constitution, de l'indépendance nationale, de l'intégrité territoriale, de la souveraineté nationale, du respect des accords et traités internationaux ainsi que celles de régulateur et d'arbitre du fonctionnement normal des Institutions de la République avec l'implication du Gouvernement sous le contrôle du Parlement. » Bien plus, que « Les affaires étrangères, la défense et la sécurité, autrefois domaines réservés du Chef de l'Etat, sont devenues des domaines de collaboration.



Par cette pétition, les députés nationaux n’ont fait que demander ladite collaboration afin d’accomplir leur devoir de contrôle démocratique. Nous les encourageons donc dans cette démarche car, le Parlement doit être de plus en plus une institution à même de répondre à des attentes démocratiques profondes. Sans être le lieu unique des décisions importantes, le Parlement en est bien souvent la condition nécessaire. Il ne doit plus être « la chambre d’enregistrement » ou mieux « la caisse de résonance » que l’on dénonce, mais un acteur incontournable dans un système global de production de la norme : lieu de négociation de la décision finale, tribune d’affrontement des idées, meilleur moyen d’assurer un débat transparent et équilibré. Par ailleurs, le Parlement devra être de plus en plus, notamment dans sa fonction de contrôle, comme un acteur à même de répondre à l’exigence croissante de compte-rendu, constituant ainsi des garanties démocratiques : le Gouvernement devra agir désormais sous le contrôle effectif des parlementaires.



En définitive, nous exhortons toutes les Institutions politiques du pays à respecter les principes clés de démocratie et de l’Etat de droit. Les animateurs de ces institutions doivent être à l’écoute des citoyens et être des hommes et des femmes de dialogue, d’action et de réflexion, au service de tous. Au fait, être à l’écoute de son peuple n’a jamais été un signe de faiblesse pour un opérateur politique, au contraire c’est une preuve qu’il sert son engagement et qu’il ne s’écarte pas de son idéal. Il sied donc qu’ils le démontrent dans le cas sous examen.

Prof. Dr. Yav Katshung Joseph



Tél. + 243 817 613 662 Fax : +1 501 638 4935



Email: info@joseyav.com Web: www.joseyav.com



© Controle Citoyen 2009


[1] En langue Swahili et signifiant: Notre unité

[2] NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA, Droit congolais des droits de l’homme, Collection «Bibliothèque de droit africain », academia Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 248.

[3] Le Règlement intérieur constitue la loi interne du Parlement. Paraphrasant PAUL BASTID (1954), nous disons que « le Règlement Intérieur de l'Assemblée, c'est la loi intérieure de chaque chambre, fixée par elle-même. L’Assemblée agit en établissant son règlement non comme une branche du pouvoir législatif mais à titre de corporation autonome dotée d'un pouvoir d'organisation et possédant sur ses membres une autorité disciplinaire ». De ce fait, parlant de sa nature juridique, l’on peut dire que le Règlement Intérieur appartient à la catégorie juridique des mesures d'ordre intérieur, c'est-à-dire que la validité des règles qu'il édicte est limitée à leur objet interne. Ces règles sont élaborées par les instances de l'Assemblée qui en assurent également l'application. Elles concernent tous ceux qui sont placés sous l'autorité de ces instances, qu'il s'agisse des députés, des personnels ou de ceux qui se trouvent dans les locaux de l'Assemblée (visiteurs, membres du Gouvernement, fonctionnaires de l'exécutif, membres des cabinets ministériels...)

[4] Entrée qui a été décidée par le gouvernement congolais, lequel a invité officiellement l’armée rwandaise au Congo pour traquer les FDLR. Invitation qui s’inscrit dans le cadre de l’accord signé le 5 janvier 2009 à Goma entre les officiels congolais et rwandais. C’est ainsi que depuis le 20 janvier, l’opération militaire conjointe congolo-rwandaise contre les FDLR a été déclenchée.

[5] Dr. YAV KATSHUNG JOSEPH, Le Parlement Provincial Pour Quoi Faire ? Ed. Contrôle Citoyen, Lubumbashi, DRC, Septembre 2008

[6] Ah! le Katanganisme!, http://congograndbeauetrichepays.over-blog.com/2-index.html

[7] Radio Okapi, 13 Février 2009, www.adiookapi.net

[8] Professeur NYABIRUNGU « La Coalition Militaire Rwando-Congolaise ou le Temps du Courage », 11 février 2009, p.1.

[9] Idem, p.5

[10] Voir son célèbre article « L’Esprit des lois » et la séparation des pouvoirs, in Mélanges CARRE de MALBERG, Sirey Paris 1933, p.190 (reed. Vaduz 1977)

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Dr. Joseph Yav
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- Avocat - Advocate
- Human Rights Lawyer and Consultant
- Transitional Justice Advocate
- Professor (University of Lubumbashi:DRC)

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